peintures-zied-ayadi
j+364 par Ines ben younes
Le 25/02/2012
J’ai trente et un ans dans deux semaines. Je n’ai jamais pensé vivre des évènements pareils car à l’âge de sept ans j’étais plutôt préoccupée par ma poupée que je n’arrivais pas à la faire taire juste à temps. Pour les quatorze années suivantes je n’ai subi qu’un lavage de cerveau quotidien à petites doses progressives de la famille, de l’école, du voisin, .. du système. Heureusement que je ne suis pas née tard sinon j’aurais tété le sens de la lâcheté, de la peur, du contentement, mais je les ai pris quand même avec chaque repas et avec chaque inhalation du gaz carbonique si abondant dans l’air. Jusqu’à où je me suis trouvée dégoutée de ce pays au point de prendre avec mes deux mains mon sens national pour l’émietter sans aucun regret. La frustration a gagné du terrain dans ma conscience piétinée dans les dix années restantes, mais elle a pu, même à voix basse, commencer à retourner vers cette nation oubliée en moi. Ce n’est que pendant ce dernier mois que pour la première fois j’ai senti le magma en moi. Ce feu liquide qui s’est débouché avec mes secrétions puées pour me soulager et laisser une grande douleur. Une douleur de frustrations entassées, d’une peine déclarée et d’une conscience malmenée par ma lâcheté et par mon immobilité. Je m’en veux. Je m’excuse pour chaque goutte versée, pour chaque corps battu, pour chaque mot prononcé, pour chaque cri retentissant. Je m’en veux. Je m’excuse pour chaque porte défoncée, pour chaque mur détruit, pour chaque plaque de verre pulvérisé.
Je m’en veux de n’être pas dans ce tourbillon aussi plaisant que pénible.
Une image ne cesse de me hanter : un Homme étendu sur une table en acier avec des jambes et bras écartés, nu et vivant. Au dessus de lui, un lustre suspendu duquel plusieurs fils de pêche sont accrochés pour que chacun d’eux s’agrafe à la peau la plus sensible du corps: deux aux paupières, deux aux aisselles, deux aux arrières genoux, deux aux tendons des pieds, deux aux mamelons, un au nombril et le dernier à l’œil du dragon. D’une manière qu’à chaque soupçon de mouvement les fils étirent la chair. Et pour se libérer, il est impératif soit de bouger le corps d’un seul coup avec toute la force de sa conscience et sans la moindre hésitation, soit de secouer juste la tête et effacer l’image. Ni l’un ni l’autre n’est facile, c’est une question de temps, d’un dixième d’une seconde.
Un autre jour, je pourrai enfin raconter une histoire en la commençant par : Il était une fois !
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joli texte belle conception et couleurs gaies merci zyed